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Klitschko, la fin d’une ère

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Il aura donc fallu attendre un grand gaillard dégingandé, au style aussi fantasque que disgracieux, pour redonner un peu de piment à la catégorie reine. Ils étaient nombreux, l’auteur de ces lignes y compris, à penser que Tyson Fury vendrait chèrement sa peau… avant de finir au tapis. Un scénario contraire s’est pourtant dessiné au fil des rounds, et à mesure que, sur le visage de Klitschko, se creusaient les lacérations d’un challenger qui a su porter par des actes son exceptionnelle verve en conférence de presse.

Dès le premier coup de gong, Klitschko a été contraint d’être l’agresseur, et n’a jamais su l’être. Sans parler d’une faillite physique, difficile d’éluder les stigmates du temps. Face à Bryant Jennings, lors de son dernier combat, on l’avait senti émoussé, incapable d’enchaîner, sans pour autant percevoir dans ce terne succès les prémices de son déclin. L’Ukrainien n’a jamais trouvé l’explosivité pour se projeter vers l’avant. Au bout du quatrième round, à peine avait-il déclenché sa droite à deux reprises… Dès lors qu’il avançait péniblement, ses offensives étaient neutralisées par les accrochages de Fury. Battu à son propre jeu, satané ironie du s(p)ort. A trop chercher le coup dur, persuadé, comme beaucoup, que Fury fatiguerait au fil des rounds, Klitschko s’est trompé de stratégie. Peut-être faut-il y voir le reliquat de la guerre psychologique mené par son adversaire depuis maintenant cinq mois.

Pendant près d’une décennie, Klitschko a tant dominé qu’on oubliait qu’il avait des failles. Loin d’une science, la boxe est une opposition de styles et nulle équation n’est insolvable, pas même celle quasi-parfaite de puissance et de distance qui avait porté au sommet le cadet des Klitschko. Face à l’allonge de Tyson Fury, ses feintes et ses déplacements latéraux, Wladimir s’est retrouvé sans réponse, incapable de lâcher ses coups et de sortir de sa coquille.

Fury2

Si l’issue est historique, le combat fut médiocre. Peu de rythme, encore moins d’échanges, si ce n’est cette ultime reprise, où le champion, se sachant battu, a tout tenté. Trois minutes hors du temps, réminiscence de la genèse d’un champion si détesté, de ces premières années où Klitschko savait prendre des risques. Un combat terne et sans éclats. Un épilogue à l’image du règne de Wladimir Klitschko, à la fois si implacable et si controversé.

Difficile de jouir du spectacle, alors réjouissons-nous de l’ère qui s’ouvre. Avec sa grande gueule et ses facéties, Tyson Fury va redonner un élan incroyable au noble art. Longtemps dépourvue de talents, la catégorie des lourds voit s’affirmer une nouvelle génération. Joshua, Wilder, Parker, sans parler d’un retour de Haye et des envies de revanche de Povetkin… Les possibilités sont immenses et la catégorie des lourds va retrouver son rôle de moteur de la boxe mondiale.

Mais avant de célébrer l’avenir, il faut se souvenir de ce que Klitschko a accompli. Saluer le champion et non sa chute. Face à la cohorte de ses détracteurs, j’avoue avoir toujours admiré sa maîtrise, la perfection épurée avec laquelle il avait adapté son style à ses qualités, les ressources mentales qu’il avait su trouver pour se relever de ses défaites. Clinique, soporifique, parfois, mais tellement efficace.

Après neuf ans, sept mois et sept jours, le règne de Klitschko s’achève donc ; seul Joe Louis (11 ans et 8 mois) a trôné plus longtemps sur la catégorie reine. S’il a perdu de sa superbe, Klitschko n’a pas été ridicule et n’a certainement pas fait ses adieux. En businessman éclairé, il avait veillé à imposer une clause de revanche obligatoire dans les négociations. Avant, donc, de penser à unifier les titres, Tyson Fury devra surement confirmer sa victoire au printemps prochain. Aura-t-il la même envie ?

Jean-Charles Barès (@jcbares)


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